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Comparution immédiate – délai
« M. A... X..., interpellé dans la nuit du 31 mai 2018 à 2 heures 03 au volant de son véhicule alors qu’il ne disposait pas du permis de conduire et qu’il s’est avéré qu’il avait conduit sous l’emprise de substances stupéfiantes, a été placé en garde à vue, puis a fait l’objet d’une prolongation de garde à vue qui a été levée le 1er juin 2018 à 8 heures 50. Il a été déféré le même jour à 13 heures 55 devant le procureur de la République qui lui a notifié sa comparution immédiate devant le tribunal correctionnel en application de l’article 395 du Code de procédure pénale, des chefs de conduite sans permis et sous l’effet d’une substance stupéfiante, le tout en récidive.
Selon les notes d’audience, il a comparu sous escorte devant le tribunal correctionnel le 2 juin 2018 à 00 heures 47.
Les juges du premier degré ont rendu un jugement daté du 1er juin 2018 par lequel ils se sont déclarés non saisis des faits, dès lors que l’intéressé n’a pu être jugé le jour même en application de l’article 395 du Code de procédure pénale.
Appel a été relevé de cette décision par le ministère public.
Vu l’article 395 du Code de procédure pénale :
Selon cet article, lorsque les conditions d’une comparution immédiate sont remplies, le procureur de la République peut traduire, sur le champ devant le tribunal, le prévenu qui est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même.
Pour déclarer le tribunal correctionnel non saisi des faits reprochés à M. X..., l’arrêt attaqué énonce que ces faits ne pouvaient être jugés suivant la procédure de comparution immédiate, dès lors qu’il résulte des notes d’audience qu’ils n’ont pas été examinés le jour même du défèrement, soit le 1er juin 2018, avant minuit.
En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
En effet, en premier lieu, le tribunal correctionnel est irrévocablement saisi par le procès-verbal de notification établi par le procureur de la République.
En second lieu, l’exigence d’une comparution « le jour même » de la présentation de l’intéressé au parquet ne saurait être interprétée comme la nécessité de le juger impérativement avant minuit, mais comme celle de le faire comparaître au cours de l’audience considérée, quand bien même celle-ci se terminerait après minuit en raison de contraintes diverses.
Enfin, il a été satisfait à la réserve posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 décembre 2010 (n° 2010-80-QPC), dès lors que l’intéressé a été présenté à la formation du siège avant l’expiration du délai de 20 heures couru à compter de la levée de sa garde à vue ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-80.259, P+B+I *
Garde à vue – exploitation du téléphone – perquisition – avocat
« Une information judiciaire a été ouverte des chefs susvisés, à la suite de livraisons surveillées par les douaniers de colis postaux contenant de la cocaïne, envoyés depuis le Lamentin (Martinique) à destination de l’Ile-de-France.
Dans ce cadre, Mme X... a été placée en garde à vue et a sollicité l’assistance d’un avocat.
Au cours de cette mesure, un officier de police judiciaire lui a demandé, hors la présence de son avocat, le Code d’accès à son téléphone et, après l’avoir obtenu, a procédé à son exploitation.
Mme X... a été mise en examen des chefs susvisés. Son avocat a présenté une requête en nullité du procès-verbal d’exploitation de son téléphone et de l’audition consécutive, pour violation des dispositions des articles 63-3-1 et 63-4-2 du Code de procédure pénale.
Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel Mme X... a été entendue hors la présence de son avocat, l’arrêt attaqué énonce que le procès verbal d’exploitation du téléphone de l’intéressée n’a pas le caractère d’une audition dès lors que celle-ci n’a fait aucune déclaration et qu’aucune question sur les faits pour lesquels elle est placée en garde à vue ne lui a été posée.
Les juges ajoutent, par ailleurs, qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, dès lors que ce droit ne s’étend pas à l’usage de données que l’on peut obtenir de la personne en recourant à des pouvoirs coercitifs, mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect.
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En premier lieu, aucune disposition légale ne prévoit la présence de l’avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable, assimilable à une perquisition.
En second lieu, la communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d’une information permettant l’accès à un espace privé préalablement identifié, qu’il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d’une perquisition, ne constitue pas une audition au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-84.045, P+B+I *
Enquête préliminaire – interprète – serment
« À la suite de plusieurs plaintes et témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête préliminaire le désignant comme l’auteur de viols et d’agressions sexuelles sur des membres de l’Eglise évangélique baptiste de toutes les nations de Paris dont il était le pasteur, M. X... a été mis en examen des chefs précités le 19 avril 2020.
Le 10 octobre 2019, son avocat a déposé une requête en nullité.
Pour rejeter la requête en nullité portant sur certains des actes diligentés par les enquêteurs, tirée de la violation de l’article D.594-16 du Code de procédure pénale en ce que d’une part, le choix de recourir à un interprète non inscrit sur les listes n’a pas été motivé, d’autre part les interprètes requis n’auraient pas prêté le serment exigé par ce texte, l’arrêt attaqué retient que ces dispositions ne sont applicables qu’aux réquisitions de l’autorité judiciaire et qu’elles ne concernent pas l’enquête préliminaire.
C’est à tort que l’arrêt exclut l’application dudit article D.594-16 dans le cas où un interprète-traducteur est requis par les enquêteurs dans le cadre de leurs investigations, alors que ces dispositions ont été édictées en application des articles préliminaires, 10-2, 7° et 10-3 du Code de procédure pénale selon lesquels les personnes soupçonnées ou poursuivies ainsi que les victimes et parties civiles qui ne maîtrisent pas la langue française bénéficient d’une manière générale du droit à l’assistance d’un interprète-traducteur.
Pour autant, l’arrêt n’encourt pas la censure.
En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions précitées, ni des autres dispositions du Code de procédure pénale relatives à l’intervention d’un interprète-traducteur que le choix de ce dernier en dehors des listes mentionnées à l’article D.594-16 doive être spécialement motivé.
Par ailleurs, Mme S..., intervenue comme interprète dans le cadre des actes de la cote D.91 de la procédure, inscrite comme interprète-traductrice sur la liste de la cour d’appel de Paris, est assermentée.
En outre, la chambre criminelle est en mesure de s’assurer, par l’examen des pièces de la procédure dont elle a le contrôle, que Mme R..., interprète non inscrite sur les listes mentionnées à l’article D.594-16 du Code de procédure pénale, a été requise par les enquêteurs dans le cadre de l’enquête préliminaire le 8 avril 2019 de « procéder à l’interprétariat en langue coréenne dans la présente procédure », date à laquelle elle a prêté le serment prévu par les dispositions susvisées.
Il en résulte que cette interprète pouvait à nouveau être requise par les enquêteurs sur commission rogatoire, après l’ouverture de l’information dans cette même procédure, sans avoir à réitérer le serment initialement prêté ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-83.643, P+B+I *
Extradition – interprète – protection subsidiaire
« Le 29 octobre 2019, M. A... X..., ressortissant albanais, a été interpellé à Annecy en exécution d’une fiche de recherches relative à une demande d’arrestation provisoire des autorités albanaises aux fins d’exécution d’une peine de quatre ans et huit mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve prononcée par le tribunal de première Instance de Kukes le 9 novembre 2015 et confirmé par arrêt de la cour d’appel de Shkodër le 13 mars 2017, pour production et vente de stupéfiants, faits commis à Krume (Albanie) le 3 mai 2015.
Le sursis a été révoqué par jugement du même tribunal, du 15 janvier 2018, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Shkodër le 1er novembre 2018.
La demande d’arrestation provisoire a été notifiée à l’intéressé le 30 octobre 2019. M. X... a déclaré s’opposer à son extradition. Il a été placé sous contrôle judiciaire.
L’arrêt énonce tout d’abord que les débats ont été tenus avec le concours d’un interprète en langue albanaise, Mme B... Y..., inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel.
Plus loin, à deux reprises, l’arrêt fait mention du concours de Mme C... Z..., interprète en langue albanaise.
L’arrêt n’encourt néanmoins pas la censure, la Cour de cassation étant en mesure de s’assurer que les deux interprètes précitées étaient inscrites sur la liste des experts près la cour d’appel de Chambéry, établie pour l’année 2020.
Dès lors, le moyen doit être écarté.
Vu les articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, 696-15 du Code de procédure pénale et L 712-1 du CESEDA :
Il résulte de ces textes que la chambre de l’instruction qui constate que la personne réclamée encourt, en cas d’extradition vers son pays d’origine, le risque d’être soumise à un traitement inhumain et dégradant, doit donner un avis défavorable.
Un tel risque est avéré lorsque la personne bénéficie de la protection subsidiaire aussi longtemps qu’il n’y a pas été mis fin.
Pour donner un avis favorable à la demande d’extradition des autorités albanaises, l’arrêt attaqué retient que l’octroi de la protection subsidiaire, justifiée en l’espèce par la production d’une copie du récépissé n° 38031 18152, établi au nom de M. X..., a pour effet d’interdire sa remise durant le temps de la protection accordée.
Ils ajoutent que, cependant, ce statut provisoire protecteur n’affecte pas la régularité de la demande d’extradition.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction, qui a violé les articles et principes susvisés, n’a pas répondu aux conditions essentielles de son existence légale. La cassation est dès lors encourue de ce chef ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-81.359, P+B+I *
Qualification – élément matériel
« Le 8 décembre 2017, aux alentours de 18 heures 50, Mme C... X... s’est présentée au commissariat de Villeparisis pour avertir que son mari, M. A... X..., avait quitté le domicile afin de se rendre chez Mme B... Y..., avec laquelle elle était associée dans l’exploitation d’une pharmacie, et rencontrait des difficultés relationnelles et financières.
Elle a précisé que son époux n’était pas dans son état normal, qu’elle ne l’avait jamais vu dans un tel état de fureur et qu’il avait consommé de l’alcool.
Les policiers se sont transportés au domicile de Mme Y... qui était absente. Ils y ont trouvé M. X..., assis au volant de son véhicule. Ils l’ont invité à en descendre. M. X... les a alors menacés de dégoupiller une grenade et de la leur jeter.
Après l’interpellation, les enquêteurs ont constaté la présence d’une arme de poing de type Manurhin 32 match, approvisionnée de six cartouches létales, dans le véhicule, entre les deux sièges avant. Ils n’ont pas découvert de grenade.
Dans le véhicule de police, M. X... a déclaré spontanément qu’il était venu pour tuer Mme Y....
Son taux d’alcool était de 0,30 mg/litre.
M. X... a été mis en examen, notamment, du chef de tentative de meurtre. Il a déclaré qu’il aurait peut-être sorti son arme mais ne comptait pas l’utiliser. Il a été placé sous contrôle judiciaire.
Par ordonnance en date du 20 février 2020, le magistrat instructeur a dit n’y avoir lieu à suivre contre M. X... du chef de tentative de meurtre et a ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel pour les délits connexes.
La partie civile et le ministère public ont formé appel de cette décision.
Pour infirmer partiellement l’ordonnance attaquée et ordonner le renvoi de M. X... devant la cour d’assises du chef, notamment, de tentative d’assassinat, l’arrêt attaqué relève que la personne mise en examen, en proie à un profond ressentiment envers Mme Y... en raison des relations difficiles de celle-ci avec son épouse et d’une insatisfaction financière, s’est rendue devant le domicile de celle-ci où elle a attendu son retour, une arme de poing entre les deux sièges avant de sa voiture.
Les juges énoncent que son intention se déduit des menaces de s’en prendre physiquement à Mme Y... formulées, tant avant son interpellation, lors de son passage à la pharmacie, que devant l’adjoint de sécurité qui le gardait.
Ils ajoutent que M. X... a spontanément décrit lors de sa garde à vue comment il avait ordonné à son épouse et à sa fille de repartir, lorsqu’elles étaient venues le voir devant le domicile où il attendait, en pointant l’arme en main dans leur direction, manifestant ainsi une intention de s’en servir.
Ils retiennent que M. X... a déclaré lors de sa garde à vue être spécialement allé à son domicile pour prendre l’arme de poing, et qu’il a de même expliqué s’être assuré que cette arme était chargée en munitions qu’il savait létales.
Ils déduisent de ces circonstances que M. X... n’avait pas seulement l’intention de menacer, comme il aurait pu le faire avec une arme non chargée, ou d’exercer des violences physiques sur Mme Y..., mais bien d’attenter à sa vie et ceci de façon irrévocable, compte tenu de la longueur de son attente devant le domicile.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
En effet, les chambres de l’instruction peuvent, en application de l’article 202, alinéa 2, du Code de procédure pénale, modifier et compléter les qualifications données aux faits par le ministère public ou le juge d’instruction sans ordonner une nouvelle information si les chefs de poursuite qu’elles retiennent ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen par le juge d’instruction.
Dès lors que les éléments matériels sur lesquels la chambre de l’instruction s’appuie pour caractériser la circonstance aggravante de préméditation ont été discutés lors de l’information, la chambre de l’instruction n’avait l’obligation ni d’ordonner un complément d’information ni de provoquer de nouvelles explications des parties.
Par ailleurs, les juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d’une infraction, la Cour de cassation n’ayant d’autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ».
Cass. crim., 13 janv. 2021, n° 20-85.791, P+B+I *
* Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 18 février 2021.
La semaine de la procédure pénale
Pénal - Procédure pénale
18/01/2021
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale.
« M. A... X..., interpellé dans la nuit du 31 mai 2018 à 2 heures 03 au volant de son véhicule alors qu’il ne disposait pas du permis de conduire et qu’il s’est avéré qu’il avait conduit sous l’emprise de substances stupéfiantes, a été placé en garde à vue, puis a fait l’objet d’une prolongation de garde à vue qui a été levée le 1er juin 2018 à 8 heures 50. Il a été déféré le même jour à 13 heures 55 devant le procureur de la République qui lui a notifié sa comparution immédiate devant le tribunal correctionnel en application de l’article 395 du Code de procédure pénale, des chefs de conduite sans permis et sous l’effet d’une substance stupéfiante, le tout en récidive.
Selon les notes d’audience, il a comparu sous escorte devant le tribunal correctionnel le 2 juin 2018 à 00 heures 47.
Les juges du premier degré ont rendu un jugement daté du 1er juin 2018 par lequel ils se sont déclarés non saisis des faits, dès lors que l’intéressé n’a pu être jugé le jour même en application de l’article 395 du Code de procédure pénale.
Appel a été relevé de cette décision par le ministère public.
Vu l’article 395 du Code de procédure pénale :
Selon cet article, lorsque les conditions d’une comparution immédiate sont remplies, le procureur de la République peut traduire, sur le champ devant le tribunal, le prévenu qui est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même.
Pour déclarer le tribunal correctionnel non saisi des faits reprochés à M. X..., l’arrêt attaqué énonce que ces faits ne pouvaient être jugés suivant la procédure de comparution immédiate, dès lors qu’il résulte des notes d’audience qu’ils n’ont pas été examinés le jour même du défèrement, soit le 1er juin 2018, avant minuit.
En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
En effet, en premier lieu, le tribunal correctionnel est irrévocablement saisi par le procès-verbal de notification établi par le procureur de la République.
En second lieu, l’exigence d’une comparution « le jour même » de la présentation de l’intéressé au parquet ne saurait être interprétée comme la nécessité de le juger impérativement avant minuit, mais comme celle de le faire comparaître au cours de l’audience considérée, quand bien même celle-ci se terminerait après minuit en raison de contraintes diverses.
Enfin, il a été satisfait à la réserve posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 décembre 2010 (n° 2010-80-QPC), dès lors que l’intéressé a été présenté à la formation du siège avant l’expiration du délai de 20 heures couru à compter de la levée de sa garde à vue ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-80.259, P+B+I *
Garde à vue – exploitation du téléphone – perquisition – avocat
« Une information judiciaire a été ouverte des chefs susvisés, à la suite de livraisons surveillées par les douaniers de colis postaux contenant de la cocaïne, envoyés depuis le Lamentin (Martinique) à destination de l’Ile-de-France.
Dans ce cadre, Mme X... a été placée en garde à vue et a sollicité l’assistance d’un avocat.
Au cours de cette mesure, un officier de police judiciaire lui a demandé, hors la présence de son avocat, le Code d’accès à son téléphone et, après l’avoir obtenu, a procédé à son exploitation.
Mme X... a été mise en examen des chefs susvisés. Son avocat a présenté une requête en nullité du procès-verbal d’exploitation de son téléphone et de l’audition consécutive, pour violation des dispositions des articles 63-3-1 et 63-4-2 du Code de procédure pénale.
Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel Mme X... a été entendue hors la présence de son avocat, l’arrêt attaqué énonce que le procès verbal d’exploitation du téléphone de l’intéressée n’a pas le caractère d’une audition dès lors que celle-ci n’a fait aucune déclaration et qu’aucune question sur les faits pour lesquels elle est placée en garde à vue ne lui a été posée.
Les juges ajoutent, par ailleurs, qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, dès lors que ce droit ne s’étend pas à l’usage de données que l’on peut obtenir de la personne en recourant à des pouvoirs coercitifs, mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect.
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En premier lieu, aucune disposition légale ne prévoit la présence de l’avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable, assimilable à une perquisition.
En second lieu, la communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d’une information permettant l’accès à un espace privé préalablement identifié, qu’il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d’une perquisition, ne constitue pas une audition au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-84.045, P+B+I *
Enquête préliminaire – interprète – serment
« À la suite de plusieurs plaintes et témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête préliminaire le désignant comme l’auteur de viols et d’agressions sexuelles sur des membres de l’Eglise évangélique baptiste de toutes les nations de Paris dont il était le pasteur, M. X... a été mis en examen des chefs précités le 19 avril 2020.
Le 10 octobre 2019, son avocat a déposé une requête en nullité.
Pour rejeter la requête en nullité portant sur certains des actes diligentés par les enquêteurs, tirée de la violation de l’article D.594-16 du Code de procédure pénale en ce que d’une part, le choix de recourir à un interprète non inscrit sur les listes n’a pas été motivé, d’autre part les interprètes requis n’auraient pas prêté le serment exigé par ce texte, l’arrêt attaqué retient que ces dispositions ne sont applicables qu’aux réquisitions de l’autorité judiciaire et qu’elles ne concernent pas l’enquête préliminaire.
C’est à tort que l’arrêt exclut l’application dudit article D.594-16 dans le cas où un interprète-traducteur est requis par les enquêteurs dans le cadre de leurs investigations, alors que ces dispositions ont été édictées en application des articles préliminaires, 10-2, 7° et 10-3 du Code de procédure pénale selon lesquels les personnes soupçonnées ou poursuivies ainsi que les victimes et parties civiles qui ne maîtrisent pas la langue française bénéficient d’une manière générale du droit à l’assistance d’un interprète-traducteur.
Pour autant, l’arrêt n’encourt pas la censure.
En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions précitées, ni des autres dispositions du Code de procédure pénale relatives à l’intervention d’un interprète-traducteur que le choix de ce dernier en dehors des listes mentionnées à l’article D.594-16 doive être spécialement motivé.
Par ailleurs, Mme S..., intervenue comme interprète dans le cadre des actes de la cote D.91 de la procédure, inscrite comme interprète-traductrice sur la liste de la cour d’appel de Paris, est assermentée.
En outre, la chambre criminelle est en mesure de s’assurer, par l’examen des pièces de la procédure dont elle a le contrôle, que Mme R..., interprète non inscrite sur les listes mentionnées à l’article D.594-16 du Code de procédure pénale, a été requise par les enquêteurs dans le cadre de l’enquête préliminaire le 8 avril 2019 de « procéder à l’interprétariat en langue coréenne dans la présente procédure », date à laquelle elle a prêté le serment prévu par les dispositions susvisées.
Il en résulte que cette interprète pouvait à nouveau être requise par les enquêteurs sur commission rogatoire, après l’ouverture de l’information dans cette même procédure, sans avoir à réitérer le serment initialement prêté ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-83.643, P+B+I *
Extradition – interprète – protection subsidiaire
« Le 29 octobre 2019, M. A... X..., ressortissant albanais, a été interpellé à Annecy en exécution d’une fiche de recherches relative à une demande d’arrestation provisoire des autorités albanaises aux fins d’exécution d’une peine de quatre ans et huit mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve prononcée par le tribunal de première Instance de Kukes le 9 novembre 2015 et confirmé par arrêt de la cour d’appel de Shkodër le 13 mars 2017, pour production et vente de stupéfiants, faits commis à Krume (Albanie) le 3 mai 2015.
Le sursis a été révoqué par jugement du même tribunal, du 15 janvier 2018, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Shkodër le 1er novembre 2018.
La demande d’arrestation provisoire a été notifiée à l’intéressé le 30 octobre 2019. M. X... a déclaré s’opposer à son extradition. Il a été placé sous contrôle judiciaire.
L’arrêt énonce tout d’abord que les débats ont été tenus avec le concours d’un interprète en langue albanaise, Mme B... Y..., inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel.
Plus loin, à deux reprises, l’arrêt fait mention du concours de Mme C... Z..., interprète en langue albanaise.
L’arrêt n’encourt néanmoins pas la censure, la Cour de cassation étant en mesure de s’assurer que les deux interprètes précitées étaient inscrites sur la liste des experts près la cour d’appel de Chambéry, établie pour l’année 2020.
Dès lors, le moyen doit être écarté.
Vu les articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, 696-15 du Code de procédure pénale et L 712-1 du CESEDA :
Il résulte de ces textes que la chambre de l’instruction qui constate que la personne réclamée encourt, en cas d’extradition vers son pays d’origine, le risque d’être soumise à un traitement inhumain et dégradant, doit donner un avis défavorable.
Un tel risque est avéré lorsque la personne bénéficie de la protection subsidiaire aussi longtemps qu’il n’y a pas été mis fin.
Pour donner un avis favorable à la demande d’extradition des autorités albanaises, l’arrêt attaqué retient que l’octroi de la protection subsidiaire, justifiée en l’espèce par la production d’une copie du récépissé n° 38031 18152, établi au nom de M. X..., a pour effet d’interdire sa remise durant le temps de la protection accordée.
Ils ajoutent que, cependant, ce statut provisoire protecteur n’affecte pas la régularité de la demande d’extradition.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction, qui a violé les articles et principes susvisés, n’a pas répondu aux conditions essentielles de son existence légale. La cassation est dès lors encourue de ce chef ».
Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-81.359, P+B+I *
Qualification – élément matériel
« Le 8 décembre 2017, aux alentours de 18 heures 50, Mme C... X... s’est présentée au commissariat de Villeparisis pour avertir que son mari, M. A... X..., avait quitté le domicile afin de se rendre chez Mme B... Y..., avec laquelle elle était associée dans l’exploitation d’une pharmacie, et rencontrait des difficultés relationnelles et financières.
Elle a précisé que son époux n’était pas dans son état normal, qu’elle ne l’avait jamais vu dans un tel état de fureur et qu’il avait consommé de l’alcool.
Les policiers se sont transportés au domicile de Mme Y... qui était absente. Ils y ont trouvé M. X..., assis au volant de son véhicule. Ils l’ont invité à en descendre. M. X... les a alors menacés de dégoupiller une grenade et de la leur jeter.
Après l’interpellation, les enquêteurs ont constaté la présence d’une arme de poing de type Manurhin 32 match, approvisionnée de six cartouches létales, dans le véhicule, entre les deux sièges avant. Ils n’ont pas découvert de grenade.
Dans le véhicule de police, M. X... a déclaré spontanément qu’il était venu pour tuer Mme Y....
Son taux d’alcool était de 0,30 mg/litre.
M. X... a été mis en examen, notamment, du chef de tentative de meurtre. Il a déclaré qu’il aurait peut-être sorti son arme mais ne comptait pas l’utiliser. Il a été placé sous contrôle judiciaire.
Par ordonnance en date du 20 février 2020, le magistrat instructeur a dit n’y avoir lieu à suivre contre M. X... du chef de tentative de meurtre et a ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel pour les délits connexes.
La partie civile et le ministère public ont formé appel de cette décision.
Pour infirmer partiellement l’ordonnance attaquée et ordonner le renvoi de M. X... devant la cour d’assises du chef, notamment, de tentative d’assassinat, l’arrêt attaqué relève que la personne mise en examen, en proie à un profond ressentiment envers Mme Y... en raison des relations difficiles de celle-ci avec son épouse et d’une insatisfaction financière, s’est rendue devant le domicile de celle-ci où elle a attendu son retour, une arme de poing entre les deux sièges avant de sa voiture.
Les juges énoncent que son intention se déduit des menaces de s’en prendre physiquement à Mme Y... formulées, tant avant son interpellation, lors de son passage à la pharmacie, que devant l’adjoint de sécurité qui le gardait.
Ils ajoutent que M. X... a spontanément décrit lors de sa garde à vue comment il avait ordonné à son épouse et à sa fille de repartir, lorsqu’elles étaient venues le voir devant le domicile où il attendait, en pointant l’arme en main dans leur direction, manifestant ainsi une intention de s’en servir.
Ils retiennent que M. X... a déclaré lors de sa garde à vue être spécialement allé à son domicile pour prendre l’arme de poing, et qu’il a de même expliqué s’être assuré que cette arme était chargée en munitions qu’il savait létales.
Ils déduisent de ces circonstances que M. X... n’avait pas seulement l’intention de menacer, comme il aurait pu le faire avec une arme non chargée, ou d’exercer des violences physiques sur Mme Y..., mais bien d’attenter à sa vie et ceci de façon irrévocable, compte tenu de la longueur de son attente devant le domicile.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
En effet, les chambres de l’instruction peuvent, en application de l’article 202, alinéa 2, du Code de procédure pénale, modifier et compléter les qualifications données aux faits par le ministère public ou le juge d’instruction sans ordonner une nouvelle information si les chefs de poursuite qu’elles retiennent ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen par le juge d’instruction.
Dès lors que les éléments matériels sur lesquels la chambre de l’instruction s’appuie pour caractériser la circonstance aggravante de préméditation ont été discutés lors de l’information, la chambre de l’instruction n’avait l’obligation ni d’ordonner un complément d’information ni de provoquer de nouvelles explications des parties.
Par ailleurs, les juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d’une infraction, la Cour de cassation n’ayant d’autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ».
Cass. crim., 13 janv. 2021, n° 20-85.791, P+B+I *
* Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 18 février 2021.
Source : Actualités du droit